CHAPITRE I : Genève
Julie et Edward avaient passé une bonne partie de la nuit à étudier en détails le journal de feu Louis de Beaufort, le père de Julie. Ce n’était pas un journal intime, plutôt un carnet de notes, à l’écriture brouillonne et passionnée, rédigé au fil des idées et des recherches sans notion d’ordre ou d’organisation. L’auteur était un érudit, un chercheur de salon et de bibliothèque, un homme qui n’avait jamais eu le goût de l’aventure. Il avait élaboré de nombreuses pistes à propos de l’Alchimiste, mais ses travaux en étaient restés à l’état de théories. De ce journal, Julie et Edward avaient pu isoler une information clé pour le début de leurs recherches, un indice capital, laissé par l’Alchimiste. Cet indice figurait au dos d’un croquis de la main d’Alphonse de Lamartine. De toute évidence, le poète et artiste avait croisé la route de l’Alchimiste en son temps ! Un croquis reproduisant le dessin en question figurait dans le journal.
Julie choisit alors de mettre à profit son carnet mondain, et contacta quelques relations qui fréquentaient le milieu artistique. Quelques jours plus tard arriva à son domicile un télégramme, signé de la main de son ami Tony Garnier, un urbaniste et artiste qu’elle avait connu par le milieu des Beaux-Arts. Le télégramme, en substance, indiquait que le croquis ferait partie d’une vente aux enchères qui se déroulerait à la Galerie Moos, à Genève, une semaine plus tard. Il n’y avait pas un instant à perdre !
Pendant qu’Edward rassemblait à la hâte quelques affaires dans une valise qui avait connu des jours meilleurs, Julie se résigna à vendre la De-Dion Bouton qui faisait partie de l’héritage de son père. L’automobile, bien qu’en piteux état, était très prisée de certains collectionneurs. Il s’agissait de l’un des tout premiers modèles de voiture française ! Elle en tira une somme, hélas négociée à la hâte, qui permettrait, avec un peu de chance, non seulement d’acquérir le croquis de Lamartine, mais également d’entreprendre le périple qu’ils devinaient déjà : les recherches du père de Julie risquaient fort de les emmener jusqu’à des destinations insoupçonnées !
La salle des ventes n’était emplie qu’à moitié. Une vingtaine de bourgeois et autres amateurs d’art avaient fait le déplacement. Les objets mis aux enchères n’avaient rien d’une collection homogène. Il s’agissait d’objets d’art hétéroclites : modèle expérimental de gramophone fabriqué par Thomas Edison, antiques pièces de monnaie romaines de bronze, estampe japonaise… Genève avait toujours fait montre d’un caractère cosmopolite.
Lorsque le commissaire-priseur arriva au lot numéro 17, le fameux croquis de Lamartine, l’objet ne fit que peu d’effet aux enchérisseurs. Julie se dit qu’elle pourrait facilement l’acquérir à peu de frais. Néanmoins, elle se retrouva en concurrence avec un adversaire féroce, un petit homme qui enchérissait d’une voix forte, avec un accent allemand prononcé. L’individu était reconnaissable à la large cicatrice qui lui gâchait la joue gauche… Les enchères s’envolèrent bien plus haut que Julie l’aurait souhaité. Pendant ce temps, Edward, intrigué, profita de la joute financière qui opposait Julie à ce mystérieux homme pour se renseigner sur ce rival inattendu… Le commissionnaire de la vente lui apprit que l’homme se nommait Hermann Jäger, et qu’il était arrivé le matin même au volant d’une rutilante Citroën B12. L’homme était nanti, de toute évidence…
Lorsque le marteau du commissaire-priseur s’abattit finalement, ce fut pour attribuer la vente à Julie, pour la coquette somme de 2300 francs suisses, soit près de la moitié de la somme que Julie avait obtenu de la vente de son automobile. Son adversaire, de son côté, ne semblait pas déçu, au contraire. Il affichait même un insupportable petit sourire satisfait lorsqu’il quitta la salle de ventes, les mains dans les poches de son manteau Chesterfield… Mais le jeu en valait la chandelle : au dos du croquis de Lamartine se trouvaient bel et bien quelques mots, encrés à la plume, de la main du poète. C’était, pour Julie et Edward, le début d’une quête dont ils ne soupçonnaient pas l’ampleur…
Derrière le dessin de Lamartine figure un mystérieux poème. Quel est le symbole Alchimique évoqué par ces lignes ?
En pluie sur le raisin, j’éloigne les chenilles
Le vin, sans mon concours, finit par se gâter
J’éloigne aussi la peste et sauve fils et filles
Ma couleur au soleil pourrait se comparer
Ma fragrance est pareille à celle des Enfers
Sauras-tu, Aspirant, cette énigme défaire ?
Règle du jeu : La solution de cette énigme est un mot-clé. Ce « mot de passe » devra être écrit en minuscules uniquement. Une fois trouvé et correctement saisi, ce mot vous ouvrira la porte du Chapitre suivant !
Choisissez judicieusement…